Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Les Canailloux
  • : C'est la vie et les histoires du canif et du fihuahua.
  • Contact

Recherche

J'aime Ces Blogs !

23 avril 2014 3 23 /04 /avril /2014 12:00

Chapitre 10 : Tension palpable

 

La matinée passa très vite. Malgré le trouble qui prenait chacun de nous à la gorge, nous fîmes tous un effort pour fluidifier la conversation. L'organisation de l'après-midi fut éclaircie : nous irions manger à midi, puis nous nous préparerions pour l'enterrement. Vers 13h, les employés des pompes funèbres viendraient mettre le corps de Grand-papa dans son linceul, puis dans le cercueil et nous irions à l'église pour 14h, retrouver toux ceux qui souhaitaient rendre un dernier hommage à leur ami, leur compatriote, leur voisin. La cérémonie durerait une heure et demi environ, en comptant les petits discours des volontaires. Vers 16h au plus tard, nous serions rendus au cimetière pour la mise en terre, puis ce serait terminé.

L'événement était planifié à la minute, tel une visite guidée, mais personne n'avait compté les pleurs qui se feraient, personne n'avait pris garde de laisser des périodes de temps mort, de vide, pour combler l'égarement qui porterait toutes ces personnes en deuil. Et si, moi, j'avais envie de faire une déclaration plus longue que prévue, si j'avais envie de dire tout ce qui me passerait par la tête, quelqu'un avait-il réfléchi à cela ? Non. Pourtant, personne ne m'empêcherait de le faire. Alors à quoi bon tout millimétrer quand on sait qu'on débordera ? A se rassurer, peut-être, à se sentir moins perdu, plus serein, cadré, porté par un petit programme qui ne voulait rien dire.

 

Mes cousins et moi écoutions lassement les indications données. Au bout d'un certain temps, Hortense me dit à l'oreille :

« Viens, on va préparer notre discours, j'en ai marre de les entendre répéter vingt fois les mêmes choses ! »

Alexis et moi la suivirent, contents de pouvoir nous extirper de la table de la cuisine.

Nous montèrent à l'étage nous isoler dans notre chambre, la troisième porte à droite. Depuis les années que nous venions ici, la porte avait subi quelques dommages : de multiples autocollants s'étaient succédés, ainsi que des pages d'herbiers particulièrement réussis, des plumes de canard et de cygne, des glands et autres récoltes personnelles qu'il nous était toujours difficile de jeter au moment du nettoyage.

Depuis que nous étions tous petits, Hortense et moi dormions dans la même chambre, dans deux lits qui se faisaient face, le mien sous la fenêtre, contre le mur opposé à la porte. Mais quand Alexis était né, le lit simple de ma cousine avait été remplacé par deux lits superposés, et très vite, le petit garçon qu'il était avait fait du lit supérieur son royaume personnel. Contre le mur du fond se tenait une grande étagère de bois vernis dans laquelle nous rangions toutes nos affaires.

Nous nous assîmes par terre, entre les lits et prîmes du papier et un stylo dans le tiroir de ma table de chevet. Nous passâmes plus d'une heure, assis tous les trois en cercle à composer le discours que nous allions déclamer à église, dans l'après-midi. Alexis participait bien et ne se plaint à aucun moment, une grande preuve de maturité pour mon jeune cousin. Ce ne fut que lorsque ma mère monta nous dire de venir déjeuner que nous réalisâmes le temps que nous y avions consacré.


Bien entendu, le repas se fit dans une atmosphère tendue, bien que, comme depuis ce matin, chacun faisait un effort pour paraître détendu. Moi, je ne disais rien, je n'avais aucune envie de parler et de faire comme si de rien n'était alors qu'il y avait bien quelque chose ! Pourquoi devions-nous faire comme si tout allait bien alors que non ? Moi, j'étais malheureux. Oui, j'avais envie de pleurer, oui, j'affichais un air triste, oui, et alors ? La mort d'un proche ne n'aurait-elle pas dû tous nous affecter ? Alors pourquoi le nier ? Pourquoi ne pas accépter la tristesse ? Pourquoi renier la souffrance morale ? J'en avais assez de faire semblant, d'être aussi faux que la soit disant bonne ambiance apparente, de me taire quand j'avais envie de hurler ! Cela faisait plusieurs jours que Grand-papa était mort, plusieurs jours que chacun tentait comme il le pouvait de conserver son goût de la vie, mais en ce samedi d'avril, je n'avais plus envie de faire semblant.

« Arrêtez ! me suis-je alors mis à crier en me levant subitement de ma chaise. Arrêtez de toujours vouloir avoir l'air gai, de toujours faire comme si tout allait bien, comme si tout était normal et que l'on ne faisait qu'un simple repas de famille, parce que ce n'est pas le cas ! Moi je suis triste, moi j'ai envie de pleurer ! Je ne vois pas pourquoi je devrais m'empêcher de souffrir aujourd'hui ! On est tous ici pour la même raison qui est d'enterré Grand-papa parce qu'il est mort ! Oui, il est MORT !!! Et moi ça me fait mal, alors j'en ai marre qu'on fasse comme si rien ne s'était passé ! Je ne dis pas qu'on doit tous s'effondrer dans le désespoir éternel et pleurer jusqu'à la fin des temps, je dis que si on n'est pas malheureux aujourd'hui une bonne fois pour toutes, on ne s'autorisera jamais à l'être après, et on aurait raison de ne pas vouloir se morfondre indéfiniment, parce que la vie continue, mais alors, pourquoi on n'a apparemment pas le droit d'être triste maintenant ? POURQUOI ??? »

Il y eut un grand silence autour de la table. Tous me regardaient avec des yeux exorbités. Ma mère s'approcha de moi, me prit dans ses bras et me dit :

« Tu as raison mon grand... »

Alors, sans plus réfléchir, je pleurai. J'ai pleuré plusieurs minutes dans un silence morbide des autres. Puis je finis par me calmer, la tête toujours enfouie dans le cou de ma mère, qui me caressait les cheveux. Je me suis essuyé les yeux et ai murmuré : 

« Je t'aime maman.

- Moi aussi, je t'aime, mon chéri. »

 

La fin du repas arriva et chacun alla revêtir ses vêtements de cérémonie. Hortense attrapa Alexis par la main et nous remontâmes dans la chambre, à l'étage, où nous avions précédemment déposé nos affaires.

 

 

 A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 11:00

Chapitre 9 : Grand-papa

 

La porte s'ouvrit en grinçant. Sur le divan vert sapin qui me faisait face était allongé Grand-papa, habillé de son beau costume du dimanche, les mains croisées sur le ventre, les yeux clos. On aurait pu croire qu'il dormait s'il n'avait pas été si immobile, livide et dépourvu d'expression. Ses traits tombaient froidement, de manière si vide, si creuse, qu'ils en étaient indescriptibles. Il paraissait si raide et pourtant si détendu... Sa position n'était que contradictions. On avait envie de le laisser se reposer comme de le prendre par les épaules et de le secouer pour qu'il se réveille, sans espoir... 

Je me sentais aride, vacant, instable, calme mais enivré de sensations asphyxiantes. Sans un mot, sans une larme, sans bruit, sans envie, je m'avançai de quelques pas dans la pièce figée. Je n'étais plus qu'à deux mètres du divan. Debout, immobile tel une statue de glace, une perle d'eau salée fondue de mon oeil droit glissa malgré moi le long de ma joue rêche.

Je sentis une main se poser sur mon épaule. Je n'eus pas besoin de me retourner pour savoir qu'elle appartenait à ma mère. Une impression étrange me parcourut. Curieusement, alors que depuis une semaine, je ne désirais qu'un tel geste, il me mit mal à l'aise. Je ne voulais pas porter le malheur de ma mère, je ne voulais pas de son soutien maintenant, j'en avais eu besoin avant, j'en aurai besoin plus tard, mais pas maintenant. Je devais traverser cette épreuve seul. Pour échapper à son étreinte, je m'assis par terre, toujours sans quitter Grand-papa des yeux. Elle ne réagit pas.

Nous restâmes quelques minutes ainsi, sans bouger, sans parler. Au bout d'un temps que je ne saurais définir, je me relevai et m'approchai un peu plus du corps de mon grand-père. Je posai délicatement ma main sur la sienne. Elle était très froide et très ridée. Ma mère sortit doucement de la pièce, si bien que je me retrouvai seul, une main posée sur le cadavre de mon grand-père. C'était assez impressionnant comme émotion...

Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, un quart d'heure, une demi-heure, une heure... Le temps s'était arrêté. Étrangement, je n'avais versé qu'une larme solitaire. Je sortis calmement de la petite chambre, refermai la porte derrière moi et redescendis à la cuisine.

Lorsque j'y pénétrai, tous les regards se tournèrent vers moi. Mon visage devait ressembler à celui qui restait paralysé, à l'étage. Je ne dis rien, je vins juste me rasseoir à la table. 

« On n'a pas voulu te déranger... » marmonna mon père.

Je hochai de la tête. Pourvu qu'il ne me demande pas comment j'allais, sinon, j'aurais pu éclater en sanglots à tout instant. Ma mère avait le regard vague, elle baissait les yeux. Elle non plus, il ne fallait pas qu'elle dise quoi que ce fut... Il y eut un silence, long, profond. Puis Paul se leva à son tour et souffla :

« Bon, j'y vais...

- Je viens avec toi » enchaîna ma mère.

Ils sortirent tous deux de la cuisine. Moi, je continuais à regarder mes mains. Je n'avais rien à dire. Je pensais. A quoi ? Je ne savais pas vraiment... A Grand-papa, évidemment, à mon rêve d'il y avait deux nuits aussi, à Grand-mama qui se retrouvait seule, à l'enterrement... Je refléchissais tellement que je ne parvenais plus à comprendre le fil de mes songes. Je me sentais imploser, entre Hortense et Alexis qui restaient aussi muets que moi. Sentant la douleur m'échapper, je bafouillai :

« Je sors un moment...

- Je peux venir avec toi ? me demanda timidement mon cousin, qui se tenait sage comme un ange depuis le début de la matinée.

- Oui, viens ».

Nous sortîmes dans le jardin que rasait la douce lumière du matin. L'air fleurait bon l'humidité de l'herbe et la fraîcheur des arbres. Il était agréable de respirer. La petite main d'Alexis dans la mienne m'apportait un confort particulier, une forme de courage et de maturité. Je m'assis sur le petit banc de bois du jardin, derrière la maison et pris mon cousin sur les genoux.

« Il était comment, Grand-papa ? » me demanda-t-il avec beaucoup de précautions.

Je voulus lui répondre : "mort", mais ce ne fut pas ce qui sortit de ma bouche.

« Il était... calme, pâle et froid, mais... Il était... reposé... »

Il y eut à nouveau un moment de silence, comme pour renforcer mes paroles.

« Moi, je suis sûr qu'il est bien là où il est, dit calmement Alexis, parce qu'il a toujours dit qu'il ne regretterait jamais rien de ce qu'il aura fait, et puis aussi parce qu'il voulait voir les étoiles de tout près, alors maintenant qu'il y est, il peut bien les regarder ! »

Je posai les yeux sur le petit garçon assis sur mes cuisses et souris. J'aimais bien sa façon de voir les choses, cette manière de rendre les événements plus légers, moins douloureux.

« Tu voudras monter le voir, tout à l'heure ? lui demandai-je.

- Non. Il dort bien, je n'ai pas envie de le déranger ! Et puis, je l'ai vu vivant, à quoi ça sert de le voir mort ? »

Je n'avais pas de réponse. Alexis était fantastique, il était tellement intelligent ! Il réfléchissait tout par lui-même. Du haut de ses six ans, il remettait le monde entier en question. Ce fut le sourire aux lèvres que je dis :

« Allez, viens, on va retrouver ta soeur ! »

 

 

A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
31 mars 2013 7 31 /03 /mars /2013 23:07

Chapitre 8 : En famille

 

Le lendemain matin, je fus réveillé à 6h30 par mon père. Encore à moitié endormi, je m'habillai et descendis à la cuisine. Je m'assis à table et attrapai un pain au chocolat dans le paquet, ainsi qu'une pomme dans la corbeille de fruits.

Nous chargeâmes les quelques sacs que nous emportions dans la voiture. Enfin, à 7h, nous partîmes.

Pour faire passer le temps, je dormis plus d'une heure. Lorsque nous arrivâmes à Payrac, et que nous sonnâmes chez ma grand-mère, il était 9h et le village s'éveillait à peine.

Elle nous ouvrit le portail, nous nous garâmes et entrèrent dans la maison. Un odeur m'envahit le nez. Une odeur très singulière et propre à cet endroit. Elle sentait le vieux bois, les meubles, le thé, la campagne, l'herbe, l'horloge à pendule, et surtout, pour moi, cette odeur, c'était celle de ma grand-mère. A chaque fois que je venais ici, je prenais de grandes inspirations en arrivant dans l'entrée, comme pour pouvoir emporter un peu de cet endroit, qui avait un aspect magique, lorsque je repartirai.

Bien que rien n'ait changé depuis la dernière fois que j'étais venu, la maison semblait différente. Il y avait comme un grand vide, le même que celui que j'avais au creux de l'estomac depuis quelques jours, et je voyais bien à la tête de Grand-mama que même si l'apparence était inchangée, le coeur de toute notre tristesse se trouvait ici, même s'il ne battait plus, même si son âme était partie. Je savais que le corps de Grand-papa reposait encore dans ce lieu qu'il avait connu il y a bien longtemps, lorsqu'il s'était marié avec Grand-mama. Il m'avait toujours dit, depuis que j'étais petit, que lorsqu'il mourrait, ce serait dans cette maison. A l'époque, je n'y croyais pas, j'étais trop petit, et à trois ans, je ne me rendais pas encore compte que les personnes que l'on aime ne sont pas éternelles.

Grand-mama nous fit entrer dans la cuisine, sur la droite, sans un mot. Je fus quelque peu surpris d'y trouver, assis sur des chaises, mon oncle Paul, ma tante Cyrielle, mon petit cousin Alexis et ma grande cousine Hortense, ce qui était pourtant normal puisque Grand-papa était aussi le père de Paul. Tout le petit monde présent dans la pièce affichait un air morose et il était très difficile de ne pas pleurer. Finalement, Paul, le frère de maman, parla le premier :

« Bonjour Anne, ça va ? Tu tiens le coup ? Et toi mon petit Léo, ça va ? Pas trop dur ? Tu as réussi à quitter ton travail aujourd'hui Alexandre ? »

Nous répondîmes tous par un hochement de tête, très peu convaincant. Je m'avançai vers mes cousins et leur fis un petit sourire en coin. Alexis qui avait quatre ans de moins que moi, m'entoura la taille (ou plutôt les jambes) de ses bras et je lui mis une main dans le dos. Hortense, qui elle, avait treize ans et me dépassait de quinze bons centimètres, se joignit à nous et nous entoura de ses bras. J'avais toujours été très proche d'elle, malgré notre différence d'âge. Je sentis une petite goutte me tomber sur l'épaule et malgré moi, des larmes coulèrent de mes yeux et vinrent s'écraser sur les cheveux de mon cousin. Cyrielle avait pris la main de Grand-mama et lui disait doucement : "Ne vous en faîtes pas Henriette, c'est un rude moment, mais ça va passer, vous verrez". Je voyais bien que Grand-mama serrait les dents pour s'empêcher de pleurer et elle hochait machinalement la tête en guise de réponse à sa belle-fille, car incapable de parler. L'atmosphère était lourde, pesante et inconfortable. Pour rompre un silence devenu insoutenable, Grand-mama dit :

« Allez, venez tous autour de la table, je vais vous faire de bons chocolats chauds pour vous ravigoter.

- Je vais t'aider, maman » enchaîna ma mère.

Personne n'avait froid, mais on ne refusa pas, sachant que le temps serait long jusqu'à l'enterrement de cet après-midi...

Je m'étais assis sur une chaise, entre Alexis et Hortense. Grand-mama posa des tasses pleines de chocolat chaud fumant au centre de la table et à ce moment là, je me souvins que j'avais la bougie à la rose dans mon sac. Je m'excusai et me levai de table pour aller la chercher près de la porte. Je la sortis d'entre ma chemise noire et mon t-shirt de rechange où je l'avais mise pour la protéger, et la mettant derrière mon dos, m'approchai de Grand-mama et lui donnai en disant :

« Tiens Grand-mama, c'est pour toi. Je sais que tu aimes beaucoup la rose. »

Ma grand-mère prit la bougie entre ses mains, la regarda longuement et me répondit :

« Elle est très belle mon grand. Mais il ne fallait pas ! »

Je lui souris et me rappelai que je ne l'avais pas payée. Je me promis de réparer cette erreur une fois rentré à Nieul. On me regarda tendrement, comme si j'avais donné à Grand-mama une rivière de diamants. Il n'était rien de cela, mais ce présent semblait toucher tout le monde.

Nous bûmes nos chocolats chauds sans un mot. A vrai dire, personne n'avait vraiment envie de parler. Ce fut Cyrielle qui rompit ce long silence lourd :

« Et sinon, comment ça se passe à Nieul ?

- Oh, rien de bien particulier. La routine, quoi... répondit mon père.

- Tu travailles toujours à Limoges, Alexandre ? questionna mon oncle.

- Oui, oui. Tu sais, il n'y a pas grand chose à faire, au village. Si tu n'es pas boulanger/pâtissier ou boucher/charcutier, tu peux rester chez toi !

- Et vous, à Paris ? Ça va aussi ? demanda soudainement ma mère.

- Oh ! Euh, oui, enchaîna ma tante. Il n'a pas fait très beau ces derniers temps, mais sinon ça va...

- Et vous les enfants, continua ma mère, vous êtes en quelle classe maintenant ?

- Moi, je suis en 4e, répondit Hortense, et Alexis est entré en CP cette année.

- C'est vrai ! s'exclama Grand-mama. Déjà... Félicitations mon grand ! Et tu t'en sors bien ? Tu as des bonnes notes ?

- Voui, marmonna doucement Alexis. Ça va. La maîtresse m'a dit que je travaillais bien et que je faisais des progrès et puis la directrice nous a donné nos bulletins du deuxième trimestre la semaine dernière et elle m'a félicité. Dessus, il y a marqué que j'ai 8.5/10 de moyenne et en plus il n'y a que des A et des A+ dans les petites cases ! »

Alexis avait dit ça très fièrement et avec une grande assurance. Il m'avait toujours étonné pour sa facilité à parler. Ses phrases étaient grammaticalement correctes, les syntaxes aussi et dans l'ensemble, je trouvais qu'il employait un vocabulaire très recherché pour un petit de six ans ! Au fond, peut-être que je le jalousais un peu, moi qui n'avais réussi à parler sans peur qu'arrivé en CE2, et encore, même à présent, il m'arrivait souvent d'être réticent à prendre la parole en public.

Tout le monde le regardait avec attendrissement et Grand-mama lui dit en souriant :

« C'est très bien, mon chéri ! Tes parents peuvent être fiers d'avoir un petit garçon comme toi ! Et toi Hortense ? Tu ne m'as pas dit, ça se passe bien la 4e ?

- Oui, pas trop mal. On m'avait dit que ça serait plus dur que la 5e, mais en fait, je ne vois pas trop de changement. C'est vrai que les notions abordées sont plus complexes, surtout en maths, mais c'est normal en même temps, on avance. J'ai 16.9/20 de moyenne générale et je crois que ma prof d'Histoire/géo, en particulier, a une bonne impression de moi.

- C'est super tout ça ! Tu n'étais pas déléguée de classe ?

- Non, pas cette année, je l'ai été l'année dernière, mais avec toutes les embrouilles qu'il y a eu dans la classe, j'ai préféré ne pas me représenter cette fois-ci. Ce n'est pas pour moi, comme travail, j'ai trop peu de caractère. Pour les autres, je ne suis que la fille qui a de bonnes notes et qui se contente de ce qu'elle a. Ce qui n'est pas tout à fait faux d'ailleurs. Comme déléguée de classe, ça passait en 5e, mais plus en 4e, alors je n'ai pas pris le risque ».

Grand-mama hocha de la tête et, se retournant vers moi, me demanda finalement :

« Et toi Léo ? Tu ne dis rien, ça se passe comment à l'école ? Tu es en CM2 je crois.

- Oui. Je ne m'en sors pas si mal, je crois. Mes notes tournent entre 14 et 20/20, alors ça va. J'ai eu un petit coup de mou ces derniers temps. Enfin, depuis lundi, balbutiai-je à demi-mot. Mais j'ai de bons copains et copines, alors ça passe mieux. Je crois que c'est ce qui me fait tenir en ce moment... »

Il y eut un silence pesant pendant quelques secondes et j'enchaînai alors, pour dissiper le trouble que j'avais installé :

« Mais la maîtresse nous prépare bien à la 6e, même si tous les adultes nous mettent la pression en nous répétant sans cesse que ce que l'on fait cette année, nous ne pourront pas le faire en 6e et tout le baratin. Mais bon, je ne m'en fais pas trop. Je sais que ça va forcément être plus dur, mais je m'y fais petit à petit. La seule chose qui me fait un peu peur, c'est le fait de devoir aller à Limoges au collège. Je trouve que ça fait un peu loin.

- Ne t'en fais pas, ça ira, avec le bus. Tu vivras de nouvelles expériences ! » me répondit Grand-mama, sans prêter attention au bref moment de trouble.

Finalement, comme nous n'avions pas spécialement envie de parler ou de faire semblant de contourner le sujet, Paul aborda ce que nous redoutions tous un peu plus les uns que les autres : l'enterrement.

Il fut dit que nous passerions d'abord à l'église, car Grand-papa était catholique, puis il y aurait un cortège jusqu'au cimetière. Il y aurait assez de monde car il connaissait presque tout le village et chacun voulait lui rendre un dernier hommage. Personne n'a pleuré, je crois que nos yeux étaient trop secs d'avoir tant déverser de larmes pour l'instant. Mais je savais que les sanglots reviendraient dans l'après-midi.

Puis Grand-mama se leva et nous demanda si nous voulions monter voir Grand-papa, qui avait été étendu sur le divan de la petite chambre. J'hésitai. Je ne voulais pas le voir ainsi : mort, inerte, froid, livide, les traits sans expression... Je voulais garder ce souvenir de lui, rieur, sage, si doux, avec son visage qui présentait presque toujours un sourire attentif, avec ses mains qui tremblaient un peu quand il tenait un tournevis ou une tasse de thé, ses yeux noirs impénétrables mais si chauds, si captivant, ses petites lunettes rectangulaires au milieu de son nez, qu'il mettait pour lire, sa voix claire, souple, ensoleillée par tous les temps, ses bons conseils... Tout... Je ne voulais pas que ce souvenir soit brouillé par la vision de son cadavre. Pourtant, il me semblait que le regarder encore une fois, sans peur, sans honte et sans gêne était la moindre des choses que je pouvais faire pour lui, maintenant qu'il était parti... Rien ne pouvait me le faire oublier, de toute façon, alors autant le voir une dernière fois, tant qu'il n'était pas encore sous terre...
Je me levai en premier et me dirigeai vers la porte de la cuisine. A droite, je montai les 
vieux escaliers de bois, me tenant d'une main moite et froide à la rampe grinçante. J'entendis quelqu'un me suivre. Je ne regardai pas en arrière, un rien ayant pu me faire renoncer. Je sentais déjà ma gorge se coincer de nouveau. 

Arrivé en haut de l'escalier en collimaçon, je tournai vers la porte de gauche, fermée. Je pris une inspiration et appuyai sur la poignée.

 

 

A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 23:36

Chapitre 7 : Pourquoi ?

Le lendemain matin, je me réveillai en sursaut à 6h30. Mon coeur palpitait dans ma poitrine et je suais à grosses gouttes. M'appuyant sur mes coudes et mes avant-bras, je me forçai à respirer calmement et profondément.

Je sortais d'un affreux cauchemar : je revoyais mon grand-père, assis dans son fauteuil, à côté de sa bibliothèque, sur le côté gauche du salon. Il avait son bras droit posé sur l'accoudoir, dans un sentiment de repos éternel. Je me situais devant la porte d'entrée, le regardant dans ses grands yeux noisette. Ces yeux si sombres que la pupille et l'iris ne se distinguaient qu'en les observant très attentivement de près. Ainsi, on ne savait jamais vraiment s'il nous regardait ou pas. Cette impression pouvait réconforter mais aussi affoler. De l'endroit où je me tenais, on ne pouvait percevoir que deux grands cercles noirs dans des amandes d'un blanc bleuté. Cette fois-ci, j'étais persuadé qu'il me rendait mon regard. Je lui souris timidement et aussitôt, il s'effondra sur le sol, face contre terre, les bras en croix et les jambes tendues. Affolé, je me précipitai vers lui et le retournai sur le dos. Ses yeux étaient clos. Je murmurai, d'une voix apeurée : « Grand-papa, ne m'abandonne pas. Grand-papa... » Ce dernier mot se perdit en une plainte. D'un coup sec qui me fit frissonner, il ouvrit les yeux et son visage se déforma : ses cheveux blancs, brillants comme des diamants, noircirent et se dressèrent sur sa tête ; ses iris s'injectèrent de sang et devinrent pourpres ; sa bouche s'étira en un long sourire sardonique, découvrant des dents d'un noir ébène. Effrayé, je fis un bond en arrière et reculai de plusieurs mètres, à quelques centimètres à peine du mur. Il se releva avec la facilité d'un enfant de huit ans. Il s'approcha de moi, lentement, très lentement, trop lentement. Il me susurra, d'une voix aigre : « C'est de ta faute Léo. Je suis mort et c'est de ta faute. Tu m'as tué, à mon tour de te tuer ! » Et d'un bond, il se rua sur moi, m'attrapant le cou de ses mains devenues subitement froides. Il m'enfonça de longs ongles pointus dans la chair, avec un sourire qui s'étirait de plus en plus. A moitié asphyxié, je soufflai : « Ce n'est pas moi, je n'ai rien fait ! Pitié !!! ». Alors, il éclata d'un grand rire goguenard en sifflant : « Ssssii... ». Et tout devint noir autour de moi. Une douleur fulgurante me traversa la gorge et le rire de mon grand-père résonna en écho dans l'obscurité. Affolé, terrifié, je me suis réveillé.

 

Ainsi, je me tenais à présent assis sur mon lit, reprenant peu à peu mes esprits. Je jetai un coup d'oeil à mon réveil. Je pouvais aisément dormir une demi-heure de plus. Je n'en avais pourtant pas la moindre envie. Je partirais plus tôt à l'école et je pourrais prendre plus de temps pour parler avec les copains. Je me suis donc levé et ai profité du temps que j'avais en plus pour prendre une douche.

 

A 7h45, je pris mon cartable et fis tomber un petit papier plié. Je le ramassai et reconnus l'écriture de mon père. Le dépliant, je poussai un soupire, pensant : "Mais qu'est-ce-que cette manie de papa de m'écrire tous les matins ?". Malgré tout, je lus le rapide message qu'il m'avait laissé :

 

"Bonjour Léo,

J'espère que tu as bien dormi.

Je voulais juste te prévenir que l'enterrement de grand-papa aura lieu demain.
Je t'en parlerai ce soir.

 

Bisous.

Papa"

 

 

L'enterrement ! Je l'avais complètement oublié ! Demain, c'était samedi, donc, pas de problème pour l'école. Peut-être qu'après, j'irai mieux et que je pourrai enfin penser à quelque chose d'autre. La mort de Grand-papa m'occupait tellement l'esprit que je n'arrivais plus à penser à autre chose.

 

Ce fut le coeur un peu plus léger que je partis à l'école.

La journée se déroula sans incident notable. Mes copains (et copines) comprenant l'angoisse qui me hantait avec Tom, ne nous posèrent aucune question et n'évoquèrent même pas le sujet, ce qui me fit très plaisir.

 

A 17h environ, j'étais de retour à la maison, j'avais failli rater le car de ramassage scolaire.

A ma grande surprise, mon père était déjà rentré et farfouillait à la cuisine. Je posai mon cartable au pied de la commode de l'entrée et allai à la cuisine me chercher un goûter et lui dire bonjour. En grimpant sur un tabouret afin d'attraper le paquet de pains au chocolat dans le placard, je lui dis :

« Tu es rentré tôt aujourd'hui.

- Oui, me répondit-il, j'ai demandé à mon patron la permission de partir plus tôt et d'avoir mon samedi.

- C'est pour l'enterrement, par vrai, murmurai-je, le coeur à nouveau au bord des lèvres.

- Oui, mais c'est aussi pour profiter un peu de mon petit garçon. Ça ne te fait pas plaisir ?

- Si, dis-je, un peu à contre coeur, si bien sûr, mais bon, ce n'est pas vraiment pour la bonne cause que tu fais ça.

- Non, c'est vrai, mais comme ça, je ne te laisse pas tout seul avec maman ».

 

Il me prit dans ses bras et je retins mes larmes, car je savais que si je pleurais, cela n'allait qu'envenimer les choses.

« Comment ça se passe demain ? demandai-je d'une petite voix.

- Ah, reprit mon père, pris au dépourvu, on va partir à 7h30. Grand-papa voulait être enterré au cimetière du village. Alors on va retrouver Grand-mama chez elle. On va prendre la voiture et on devrait arriver vers 9h/9h30. Je lui ai promis de l'aider à préparer la maison, à Payrac, avant l'arrivée de tes cousins et du reste de la famille. C'est la moindre des choses ».

Je hochai la tête. Je descendis du tabouret, je n'avais plus faim.

Mon père continua :

« L'enterrement aura lieu en début d'après-midi, on rentrera à Nieul dans l'après-midi de dimanche. Tu veux commencer à préparer tes affaires ? La petite valise est sortie dans le couloir de l'étage ».

Je hochai à nouveau la tête en signe d'approbation et je sortis de la cuisine. Je n'osais pas parler de mon cauchemar à mon père, j'avais peur. Je ne savais pas vraiment de quoi, mais j'avais peur. Peut-être qu'il ne me comprenne pas, qu'il me fasse la morale. Je ne savais pas.

 

Je montai les escaliers et trouvai la valise sur le pas de ma chambre. Je l'attrapai par la poignée et m'enfermai. Je me disais parfois que j'aimerais bien avoir un grand frère ou une grande soeur pour pouvoir lui confier mes angoisses.

 

Je fis vite le point sur ce que je devais emporter. Je commençai à remplir ma valise avec mes vêtements : deux t-shirts (je pouvais toujours en tâcher un), un change de sous-vêtements, une polaire (les journées d'avril peuvent être un peu fraîches), la chemise noire que je gardais pour les grandes occasions, mon pantalon noir, ma cravate et mes chaussures vernies, dans lesquelles j'avais l'air d'un pingouin. Je rajoutai au fur et à mesure mes affaires et, à la fin, je me rendis compte que je n'avais rien à offrir à ma grand-mère. Je savais pourtant que je n'étais pas obligé de lui offrir quelque chose, mais j'en avais envie. Je me souvins qu'elle aimait beaucoup la rose et je descendis en vitesse. 

J'arrivai en trombe dans le salon où mon père lisait le journal.

« Papa, m'écriai-je, je vais faire une course.

- D'accord, où ça ?

- Euh, il y a le marché sur la place de l'église aujourd'hui. Je vais aller faire un tour là-bas.

- Juste, dit mon père, une question. Qu'est-ce-que tu veux acheter ?

- Un cadeau pour Grand-mama, répondis-je. J'ai vu l'autre jour un commerçant qui vendait des bougies de plein de parfums différents. Je veux voir si j'en trouve une à la rose.

- Ah ! Oui, bonne idée. Tu peux prendre du pain en rentrant ?

- D'accord...

- Tu veux de l'argent ?

- J'en ai pris. A tout à l'heure ! »

 

J'attrapai mon blouson et claquai la porte derrière moi.

Je cherchai l'étalage que j'avais aperçu précédemment et au bout d'une dizaine de minutes, je le trouvai, entre celui d'un fleuriste et celui d'un poissonnier. Je regardai vaguement les bougies qui y étaient présentées. Je n'en voyais pas à la rose. La vendeuse, qui me regardait depuis un moment, me demanda :

« Tu as besoin d'aide, jeune homme ?

- Euh, répondis-je, je cherche une bougie à offrir à ma grand-mère.

- C'est très gentil de ta part ! Et tu cherches un parfum particulier ?

- Oui, j'en cherchais une à la rose, mais je n'en ai pas trouvé.

- Oh, c'est étrange que tu me dises cela, dit-elle en sortant une bougie de sous son comptoir, parce qu'il m'en reste justement une à la rose. Personne n'en voulait, alors je pensais la jeter. Mais si tu la veux, elle à toi !

- Oui, je veux bien, merci ! Combien coûte-t-elle ?

- Je te la donne, me dit-elle avec un sourire en me tendant la bougie.

- Non, non, je ne peux pas accepter, répondis-je en sortant mon porte-monnaie.

- Si, j'insiste, continua la dame en me tendant toujours la bougie rosée. Prends-la. Elle est pour toi, ou plutôt à ta grand-mère...

- Je ne sais pas comment vous remercier, lui balbutiai-je en prenant la bougie.

- Repars avec le sourire, tu es arrivé sur le point de pleurer. Les gens vont croire que mon étalage est maudit ! »

 

Je lui souris et la remerciai encore une fois, avant de m'en aller. J'avais vraiment eu de la chance de tomber sur cette dame. Elle avait réussi à me rendre le sourire, et ce n'était pas chose facile en ce moment !

Après avoir acheté une baguette à la boulangerie, je rentrai.

 

Vers 19h30, nous mangeâmes, dans un silence de mort, comme à l'habitude depuis lundi. Je me couchai en vitesse et lorsque mon père vint me dire bonsoir, assis sur le rebord de mon lit, je lui murmurai à moitié :

« Papa ?

- Oui Léo ?

- Pourquoi quand quelqu'un que l'on aime meurt, on se sent triste ? »

Mon père me regarda d'un air sceptique avant de me répondre :

« Je ne sais pas vraiment. Je suppose que c'est parce que l'on pense beaucoup à cette personne, qu'elle compte beaucoup pour nous et qu'il nous est difficile d'accepter que sa vie sur Terre est terminée. Il est souvent dur d'admettre que personne n'est éternel et qu'un jour ou l'autre, la vie s'arrête. Mais on peut aussi se dire que lorsque l'on quitte le monde des vivants, on laisse derrière nous de bons souvenirs et que les personnes qui nous aiment ne nous oublient pas.
Tu sais Léo, la vie de Grand-papa a été bien remplie et au lieu de se dire qu'il est mort et qu'il ne reviendra plus, pense plutôt aux bons moments que tu as passés avec lui, à ce qu'il te disait et souviens-toi des conseils qu'il t'a donnés. Être triste lorsque l'on perd quelqu'un de cher à nos yeux, c'est aussi un moyen de montrer qu'on l'aime, c'est normal et personne ne pourra jamais t'en empêcher ».

Je hochai la tête affirmativement et ajoutai :

« Pourquoi tu ne dis pas ça à Maman ? »

Mon père ne répondit pas tout de suite. Il me regarda longuement puis me souffla :

« Je ne sais pas. Ce n'est pas comme toi... Je ne peux pas lui dire ça...

- Pourtant, continuai-je, tu devrais, ça lui permettrait d'être moins triste. Si ça marche pour moi, pourquoi ça ne marcherait pas pour Maman ?

- Je ne sais pas... »


Il se leva de mon lit et me dit bonne nuit, avant de sortir de la chambre.

 

A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 14:00

Chapitre 6 : Vive les copains !

 

« Maman ! Je suis rentré ! »

Je n'obtins aucune réponse.

« Maman ? ai-je répété. Tu es là ? »

Visiblement, non. En enlevant mes chaussures, je vis que, sur le mot que j'avais laissé à ma mère avant d'aller chez Tom, il y avait une réponse. Je pris le papier et le lus :

"D'accord mon grand.

Je vais faire un tour. Je pense rentrer avant 20h. Si tu as trop faim avant que Papa ne rentre, il y a du jambon blanc dans le frigo. Tu peux te faire un sandwich avec du pain de mie.

Bisous à ce soir.

 

Maman"

 

Super. Je rentre à l'heure, pour ma mère, qui n'est même pas à la maison. Si j'avais su, je serai resté chez Tom. Ça me faisait du bien de parler avec lui, même si on parlait de n'importe quoi. Mais bon, tant pis. Au moins, je ne verrai pas ma mère, avachie sur le canapé, en train de regarder la télévision avec un air déconfit.

 

Bon, mon père ne devant pas rentrer avant 19h30, j'avais le temps de faire mes devoirs.


En effet, mon père rentra à 19h35. Il me demanda où était ma mère et je lui répondis qu'elle était allée faire un tour et qu'elle ne tarderait sans doute pas à revenir. Mon père n'étant pas doué en cuisine, nous commandâmes chez un traiteur chinois.

Ma mère rentra vers 19h45. Elle semblait en meilleure forme que la veille, mais malgré tous les efforts qu'elle employait pour paraître détendue, je vis bien qu'elle était encore triste, mais qu'elle ne voulait pas le montrer.

Le dîner se fit dans le calme et la tension intérieure que chacun essayait de cacher aux autres. Cette atmosphère était tellement insupportable que je m'empressai de sortir de table à la fin du repas.

 

Allongé sur mon lit, les yeux au plafond, je respirais enfin ce sentiment de sérénité que j'avais recherché inconsciemment durant cette journée qui m'avait parue durer des jours et des jours. Ainsi, sans m'en rendre compte je m'endormis, l'esprit serein.

 

Le lendemain, je me levai à 8h, n'allant pas à l'école (c'était mercredi). Cette journée fut abominable. Tout d'abord, lorsque je me rendis dans la cuisine, je vis, posé sur la table, un mot de mon père me disant qu'il rentrerait tard ce soir (vers 22h), à cause d'un problème au bureau. Ensuite, ma mère n'était pas levée, je crois que ce fut ce qui m'étonna le moins. Elle se leva à 11h30, alors que j'étais sorti acheter du pain et du vinaigre pour faire une salade pour le midi. Quand je fus de retour et que je la vis dans la cuisine, devant son bol de café, je fus au bord du désespoir. Malgré tout, je lui dit bonjour et que j'allais me préparer à manger, parce que j'avais faim. A midi, je mangeai seul et à 14h, après avoir téléphoné à Tom, je descendis au parc, en bas de chez moi, où nous nous étions donné rendez-vous, quelques minutes plus tôt. J'y passais tout l'après-midi. Nous parlâmes de tous nos malheurs et nous jouâmes un peu avec des petits de six ans qui semblaient très contents que des "grands" s'amusent autant avec eux. Il fallait dire, qu'en ce moment, nous n'avions pas toujours l'occasion de rigoler. Je rentrai à 19h, pour me faire à manger, me doutant bien que ma mère ne s'en était pas occupée. Évidemment, j'avais raison. Quand je lui ai demandé si elle voulait manger quelque chose, elle me dit qu'elle se ferait un sandwich au jambon un peu plus tard, quand son film serait terminé. Je mangeai donc seul, comme le midi. Je ne tardais pas à m'enfermer dans ma chambre, après avoir dit bonne nuit à ma mère. Je me préparais à dormir et pris un livre, qui ne me passionnait pas vraiment. Lorsque, à 22h15, mon père passa la tête dans l'embrasure de la porte, je fis semblant de dormir et finis par m'endormir vraiment.


Le lendemain, le réveil me fit sursauter à 7h. Pourquoi donc la nuit était-elle si courte ?

Je me levai péniblement et enfilai mes vêtements. Puis, doucement, essayant de ne pas réveiller ma mère qui devait encore dormir, je sortis de ma chambre. Arrivant dans l'entrée, je levai les yeux vers la pendule : 7h15. Mon père devait déjà être parti au travail. En ce moment, je vivais plus seul qu'avec mes parents. Le matin, ma mère dormait, mon père était parti travailler et le soir, mon père rentrait vers 19h30/20h selon les jours tandis que ma mère était là (la plupart du temps) mais ne montrait aucun signe de vie, si ce n'est qu'elle restait assise (enfin, avachie) sur le canapé du salon, à regarder la télévision. Bref, la vie n'était pas très familiale en ce moment.

Je me dirigeai vers la cuisine, pris les céréales dans le placard et, plongé dans mes réflexions, pris mon petit-déjeuner.

 

Dans le bus qui m'emmenait à l'école, je rencontrai Tom, avec la même expression que moi épinglée au visage. Je m'assis sur le siège à côté de lui en lui disant mollement :

« Hey... Ça va ? 

- Ah, a-t-il dit en se retournant vers moi, salut Léo. Bof. Et toi ?

- Bof aussi, lui répondis-je. Mais je m'en doutais, en même temps, tu fais la même tête que moi ! »

Il me sourit, ce qui, apparemment, lui demandait un effort surhumain. Nous continuâmes le trajet en bus en parlant de nos problèmes familiaux respectifs. Comme moi, il vivait plus seul qu'avec ses parents, à la différence près que lui devait  s'occuper de sa petite soeur lorsque son père n'était pas là, et que sa mère préférait "sortir faire un tour" plutôt que de rester assise devant la télévision, à cause de Bertille. Mais le problème restait le même.

Nous arrivâmes devant l'école en même temps que Juliette et Caroline, qui, habitant dans le même immeuble, venaient ensemble tous les matins. Elles riaient de bon coeur, alors que nous devions faire des têtes déplorables car elles s'arrêtèrent en nous voyant, se regardèrent, puis Caroline nous dit d'un ton un peu moqueur :

« Euh, ça va les garçons ? Vous avez mal dormi ou quoi ?

- Non, pas si mal, répondit Tom. Pourquoi ? On est aussi horribles que ça ?

- Non, ce n'est pas ça, dit Juliette, c'est juste que vous avez d'énormes cernes et qu'on dirait que vous avez fait une nuit blanche, surtout toi, Tom. »

Tom me regarda, et presque terrifié, il me demanda :

« A ce point là ?

- C'est vrai que tu n'as pas l'air très frais, lui répondis-je. Mais de là à dire que tu as fait une nuit blanche, peut-être pas. »

 

Nous entrâmes dans l'école où nous retrouvâmes Baptiste et Antoine, adossés au mur de la classe, en train de parler. Quand ils nous virent arriver, tous les quatre, ils se retournèrent vers nous et Baptiste dit :

« Salut ! puis, regardant Tom : oula ! Ça va Tom ? Tu as une de ces têtes !

- Oui, je sais, répondit Tom, quelque peu énervé, on dirait que j'ai passé une nuit blanche, Caroline me l'a déjà fait remarquer. Et à part ça, oui, ça va très bien.

- Calme-toi, Tom, répliqua Baptiste, je disais ça pour rigoler, ne le prend pas mal !

- Oui, pardon, s'excusa Tom. Je suis désolé. Tu as raison, je suis énervé, mais ça va, ne t'en fais pas.

- Et toi, Léo, me demanda Juliette, ça va mieux depuis mardi ? 

- Hein ? dis-je, piqué au vif. Euh, oui, un peu, merci. C'était super sympa de votre part de m'aider comme ça.

- C'est normal, me répondit Antoine en me donnant une tape amicale sur l'épaule. C'est à ça que ça sert, les copains ! 

- Ah oui, tiens, à propos, renchérit Caroline, Tom, pourquoi tu es parti en plein milieu de l'après-midi, avant-hier ? »

Je sentis la panique monter dans le ventre de Tom, et, heureusement pour lui, il fut dispensé de répondre à Caroline, grâce à la sonnerie qui retentit. Nous nous rangeâmes et Tom fit bien attention à se placer loin des autres. Comme j'étais rangé avec lui, je lui dis dans un murmure :

« Tu sais, tu peux leur dire, aux autres, que ton grand-père est mort, ils comprendront et, crois-moi, tu te sentiras libéré d'un poids énorme !

- Je sais, répondit-il, désemparé, mais...

- Tu n'as pas envie de leur dire, ne t'en fais pas, je comprends très bien. Tu fais comme tu veux, je ne te dénoncerai pas. Promis. Mais réfléchis bien.

- Allez, cria Mme. Dolfe, on se tait et on entre en classe calmement ! »

 

Toute la matinée, je regardai Tom du coin de l'oeil, et je comprenais de mieux en mieux ce qu'avaient ressentis mes copains lorsqu'ils m'avaient vu, mardi. Tom n'écoutait pas les leçons et ne savait jamais répondre lorsque le maîtresse lui posait des questions, ce qui, au bout d'un certain temps, lui valut quelques lignes à copier pour le lendemain. Je voyais, du coin de l'oeil, la mine déconfite de mon copain, la tête appuyée contre son poing gauche. Plus la maîtresse lui faisait des reproches, plus il paraissait indifférent. Je ne pouvais que le comprendre, vivant la même chose, mais s'il ne faisait pas un effort pour être attentif, il ne tarderait pas à finir, dans le bureau du Directeur ! Et cela ne ferait que l'enfoncer davantage. Je savais que Mme. Dolfe n'hésiterait pas à l'envoyer chez M. Lepiquet, d'autant plus qu'elle ne connaissait pas la cause de l'inattention de Tom. A vrai dire, personne ne la connaissaità part moi.

Enfin, la cloche sonna et nous sortîmes dans la cour pour la récréation de 10h. Évidemment, tous mes copains se précipitèrent autour de Tom.

« Mais qu'est-ce-qui se passe, Tom  ? s'écria Antoine. Tu veux te retrouver chez le directeur ou quoi ?

- Qu'est-ce-qu'il y a mon vieux ? demanda Baptiste. Si tu as un problème, tu peux nous en parler, ne t'en fais pas, on reste discrets.

- Bon, d'accord, vous avez gagné, marmonna Tom en se laissant tomber sur un banc. Je vais tout vous raconter. »

Un silence de plomb se fit dans le groupe. Baptiste s'assit à la gauche de Tom, et moi, décalé, à sa droite. Tom raconta :

« Tout a commencé mardi après-midi, quand M. Lepiquet m'a dit de venir avec lui dans son bureau. J'y suis allé, et j'avais beau réfléchir, je ne comprenais pas ce qu'il avait à me reprocher. Alors, il m'a dit, d'un ton glacial que mon grand-père était mort le matin même d'un arrêt cardiaque. J'ai pleuré, je suis revenu en classe chercher mes affaires et je suis rentré chez moi. Quand je suis arrivé, c'est mon père qui a ouvert et j'ai vu... j'ai vu ma mère en train de pleurer sur le canapé du salon. 

Voilà, vous savez tout. C'est pour ça que je suis comme ça depuis ce matin. Que j'ai une tête à avoir passé une nuit blanche ou que je n'écoute rien en classe. »

Tom se tut et le silence persista encore quelques instants. Puis Caroline dit :

« Je suis vraiment désolée, Tom, je ne savais pas quand je t'ai posé la question ce matin.

- Non, non, ce n'est pas grave, répondit Tom, un petit sourire triste au coin de la bouche. Tu ne pouvais pas deviner.

- En fait, dit Juliette, tu vis exactement la même chose que Léo. »

J'ai regardé Tom, puis Juliette et j'ai dit :

« Oui, c'est ça. Exactement la même chose, exactement les mêmes problèmes.

- Mais pourquoi vous n'en parlez pas à la maîtresse ? demanda Antoine. Elle comprendra sûrement.

- Ah non ! m'écriai-je. Pas question que je lui parle de mes problèmes de famille ! Je suis assez grand pour me débrouiller tout seul ! Après, elle va en parler à ses collègues, et puis, au directeur, qui voudra voir mes parents, alors non. Tu fais comme tu veux Tom, mais moi, je n'ai pas envie.

- Ben, moi, répondit Tom, le directeur est déjà au courant, alors ça ne servirait à rien d'avertir la maîtresse.

- Ouai, bon, c'était une idée comme ça, marmonna Antoine, sur la défensive.

- En tous cas, si on peut faire quelque chose pour vous, dit Baptiste, dîtes, n'hésitez pas.

- Oui, bien sûr, ajouta Juliette.

- Merci beaucoup ! Vous êtes super sympas ! leur dis-je. Mais bon, ça va passer. C'est juste un malheur passagé. Pas vrai Tom ?

- Oui, c'est sûr. Enfin j'espère... »

La cloche sonna, annonçant la fin de la récréation.

Le reste de la matinée, fut beaucoup plus gai. Tom m'esquissait même quelques sourires de temps à autres. Il fut bien plus attentif en classe et comme il avait beaucoup participé, la maîtresse lui leva sa punition, à la seule condition "qu'il se tienne à carreau" jusqu'à la fin de la journée. Parfois, je jetais de brefs regards à Baptiste, Antoine, Caroline et Juliette, mais seule Juliette me rendait mes sourires.

La sonnerie retentit et nous entendîmes les CP courir dans les escaliers pour aller manger.

Nous sortîmes à notre tour pour descendre à la cantine. Tom, avec un air déconfit, passa devant moi. Dans la queue pour prendre nos plateaux, voyant la tête de Tom, Antoine dit :

« Bon, allez, on ne va pas passer la journée à faire la tête, je sais que c'est dur pour vous, mais si vous y pensez tout le temps, vous allez être encore plus tristes !

- Oui, dit Tom en esquissant un sourire, tu as raison Antoine, c'est de ma faute. On va parler d'autre chose. Vous avez vu le match de foot à la télé, samedi soir ?

- Ce n'était pas Lille/Lens ? demanda Caroline.

- Si, répondit Baptiste. Tu suis le foot, toi ?

- Non, dit-elle, mais j'ai un grand frère qui, lui, oui, alors je n'ai pas vraiment le choix !

- Ah oui, d'accord, s'exclama Tom. Et tu regardes les matchs ?

- Ben oui, ce n'est pas si mal que ça en fait !

- C'était un super match ! s'écria Baptiste. En plus, j'étais pour Lille.

- Moi aussi, ajouta Juliette, et tu as vu quand Hazard a marqué le dernier but à la 89e minute ?

- Oui ! m'exclamai-je. Tu as vu, passe de Cabaye et super frappe, en pleine lucarne gauche ! Mais, tu regardes le foot, toi ? Ne me fais pas le coup du grand frère, tu n'as qu'une petite soeur !

- Oui, bon, d'accord, admit Juliette, sur la défensive. Mais c'est bien le foot ! »

Nous éclatâmes de rire ! Que Juliette regarde des matchs de football à la télévision, ça, ça m'a étonné ! Moi qui pensais que les filles détestaient tout ce qui avait un rapport avec un ballon et qu'elles ne pensaient qu'à la danse classique et aux Barbies, je m'étais trompé. Mais Juliette n'était que l'exception qui confirme la règle !

Nous passâmes tout le déjeuner à parler de football. Bien que Caroline n'apprécie pas beaucoup le sujet, elle finit par parler avec nous, voyant que Juliette était, elle aussi, captivée par le sujet. Pendant la fin de la récréation du midi, nous commençâmes un match de football contre les CM2A, que nous terminâmes à la récréation de 15h. Et finalement, lorsque la sonnerie retentit, à 16h30, j'attrapai ma veste, accrochée au clou et je sortis de l'école avec tous mes copains. Après avoir fait un signe de la main à Baptiste et Antoine, qui partaient dans la direction opposée, je partis avec Tom, qui faisait le même trajet que moi, à 15 minutes près de bus, Caroline et Juliette, qui commençaient le chemin avec nous, jusqu'à l'arrêt de bus où elles bifurquaient dans la rue adjacente. Nous parlâmes longtemps du match de football que nous avions gagné à la dernière récréation. Caroline n'avait pas joué, mais elle avait été notre arbitre. Alors que nous parlions du cinquième but que nous avions marqué (le dernier), je vis le bus tourner dans le long boulevard qui arrivait à l'arrêt où nous montions, Tom et moi. Je lui attrapai le bras gauche et lui dit, en désignant le véhicule :

« Tom, regarde, notre bus, dépêche-toi, on va le rater !

- Oh, oui, s'écria Tom, mince, vite !

- Bon, bah, à demain, alors, dit Caroline, en nous faisant un geste de la main.

- A demain les filles, leur dis-je.

- Bon courage, nous dit Juliette.

- Pourquoi "bon courage" ? m'étonnai-je.

- Ben, pour ta mère et ton grand-père.

- Ah oui ! me souvins-je. Merci ! »

Elle me sourit et Tom m'attrapa le poignet.

« Vite Léo, le bus arrive !

- Oui, j'arrive. A demain » dis-je à l'adresse de Juliette.

Elle me fit un bisou sur la joue droite et Tom me tira dans le bus, que nous avions rejoint. Lorsque les portes se fermèrent, je vis Juliette m'adresser un signe de la main, qui signifiait "Salut..."

 

 

 

A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 14:21

Chapitre 5 : Deux fois deux, quatre

 

Alors, Tom me raconta, la tête entre les mains :

 

« Quand le Directeur est venu me chercher après la cantine, commença-t-il, il m'a emmené dans son bureau en me tenant par les épaules. Il a fermé la porte et m'a dit de m'asseoir dans le fauteuil rouge près de la fenêtre, tu sais. D'habitude, quand il a un reproche ou un compliment à te faire, il te dit de rester debout devant son bureau, alors dès cet instant, j'ai compris que quelque chose n'allait pas. Il s'est assis dans son gros fauteuil noir, derrière son bureau, s'est tourné vers moi, a croisé les doigts et m'a regardé par-dessus ses lunettes rectangulaires. Son regard était perçant et il me regardait tellement profondément, dans le blanc le plus blanc de mes yeux, que j'avais l'impression de passer aux rayons X. C'était une sensation très étrange. Alors tu imagines ma tête, assis dans mon fauteuil. Je transpirais comme si j'allais passer un examen dans moins de cinq minutes. J'avais les mains moites et froides. Cet instant dura un temps qui me parut infini, et au moment où je croyais que j'allais m'évanouir de terreur, il me dit : « Ton père a appelé il y a une dizaine de minutes. » Je  crois que je n'ai pas pu réprimer un « oh » d'effroi. Lorsque M. Lepiquet nous convoque dans son bureau et nous dit qu'un de nos parents a appelé l'école, c'est toujours pour quelque chose d'horrible. Mais comme s'il ne m'avait pas entendu, il a continué : « Ton grand-père est mort, ce matin, d'un arrêt cardiaque. » Et là, je suis tombé de mon fauteuil, tellement j'étais abasourdi. Le Directeur s'est levé en vitesse pour m'aider à me relever. Là, il m'a dit quelque chose d'absolument inutile, mais qui m'a quand même aidé : « Je savais que tu allais réagir comme ça ». Et il a ajouté : « Tu peux pleurer si tu veux, ça ne me gène pas ». Alors je n'ai pas réfléchis, je me suis mis à pleurer en m'appuyant contre le fauteuil. »

 

La voix de Tom se brisa et je vis des larmes, coulant le long de ses joues, tomber sur son jean. Je l'avais laissé me raconter son histoire sans l'interrompre. Toujours debout devant la porte, je lâchai précipitamment mon cartable pour aller m'asseoir à côté de lui. Je lui mis le bras autour des épaules, sans dire un mot.

Il continua :

« Quand j'eus pleuré toutes les larmes de mon corps, reprit-il d'une voix rauque, le Directeur me dit que, si je voulais, je pouvais rentrer chez moi maintenant. Alors je suis revenu chercher mes affaires en classe. Il m'a raccompagné chez moi et lorsqu'il a sonné à la porte et que papa a ouvert, je me suis effondré dans ses bras, en pleurs. Il a remercié le Directeur et a fermé la porte. Nous nous sommes dirigés vers le salon et j'ai vu... j'ai vu... maman, assise dans le canapé, en train de pleurer. Tu ne peux pas imaginer le choc que ça a été pour moi. Moi qui m'étais attendu à être soutenu par mes parents, voir ma mère, dans un état encore pire que moi, ça m'a profondément marqué. C'est... »

 

Je sentais qu'un noeud se formait dans la gorge de Tom, un noeud qui l'étranglait et qui l'empêchait de parler d'avantage. Je voyais l'effort considérable qu'il devait faire pour se retenir de pleurer, la douleur intérieure qu'il contenait en lui. Je serrai un peu plus mon bras autour de ses épaules, ne sachant que faire pour l'aider.

Cela devait lui faire du bien de laisser déferler le flot d'émotion qui lui nouait l'estomac, car il continua de me raconter son malheur :

 

« Alors, murmura-t-il, la voix brisée, je me suis écroulé sur les genoux de maman et j'ai pleuré, pleuré, jusqu'à ne plus savoir exactement pourquoi je pleurais. Je sentais les larmes de maman me couler dans le cou et je voyais les miennes s'écraser sur mon jean. Je me disais qu'heureusement, Bertille n'étais pas là pour voir ça. Tu comprends, elle est trop petite, trop fragile, ça aurait été un choc trop grand pour elle. D'abord la mort de grand-père, et ensuite, voir maman pleurer, ça aurait été trop difficile pour elle. Au bout d'un moment, papa est allé la chercher à l'école et nous nous sommes dit qu'il vaudrait mieux arrêter de pleurer. Alors, je me suis enfermé dans ma chambre et je me suis allongé sur mon lit, l'esprit vide mais la tête pleine de choses incohérentes. Je ne pensais à rien et pourtant, tout un tas de choses tourbillonnait dans ma tête. Plusieurs fois, des larmes perdues coulèrent le long de mes joues. Et quand je commençais enfin à comprendre ce qui se passait, tu es arrivé. »

 

Cette fois, Tom éclata en pleurs.

Entre deux sanglots, il me dit :

« Je suis désolé.

- Ce n'est pas grave, lui répondis-je. Je comprends très bien, tu sais, je vis la même situation et je sais que c'est très dur. Peut-être que si on se serre les coudes, on arrivera mieux à la supporter.

- Merci Léo, hoqueta-t-il, tu es un véritable ami. Et euh... C'est très gentil de m'avoir apporté les devoirs ! »

Je lui dis que c'était tout à fait normal et terminai de lui expliquer ce qui s'était passé en classe aujourd'hui.

 

Alors que nous allions repartir dans une nouvelle conversation, mon regard se posa sur la pendule : 17h45 ! Je devais être rentré dans un quart d'heure et j'étais toujours en train de discuter avec mon copain ! Je dis à Tom qu'il fallait absolument que je rentre chez moi et après lui avoir dit à demain, je courus le plus vite possible à la maison.

 

Sur le chemin, je repensai au récit de Tom. Sa situation ressemblait trait pour trait à la mienne : son grand-père maternel meurt d'un arrêt cardiaque et sa mère déprime. Deux fois la même histoire. Deux fois deux personnes de même place dans deux familles différentes. Deux fois deux problèmes identiques.

 


A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
30 mai 2011 1 30 /05 /mai /2011 15:41

Chapitre 4 : Le départ de Tom

 

  

Ma journée s'est beaucoup mieux déroulée que je ne l'aurais pensé. Mes copains ont  très bien compris mon histoire, et Juliette en particulier. Ils ne m'ont posé aucune question et nous avons pu jouer comme si de rien n'était. Enfin presque, parce que la tâche noire, profonde et sombre qui s'était ouverte en moi ne pouvait pas s'effacer, ni même s'estomper.

Je fus, tout de même, beaucoup plus attentif en classe et je réussis à obtenir un 15,5/20 à mon évaluation de mathématiques.

Malgré tous les efforts que mes copains faisaient pour paraître décontractés, je les voyais bien me regarder en coin quand je leur tournais le dos, ou toutes les attentions qu'ils me portaient, comme le choix de mon équipe de foot, ou la table, à la cantine.

 

A midi, le vide qui m'envahissait si souvent en ce moment se manifesta de nouveau lorsque la cantinière mit dans mon assiette une part de pizza.

Cela me fit repenser au dîner de la veille, quand mon père avait commandé, chez Arlando, trois pizzas au fromage. Et je ressentis un vertige lorsque je saisis mon yaourt. Faisant mine de rien, j'allai m'asseoir à une table vide où vinrent vite me rejoindre Tom, Baptiste, Antoine, Juliette et Caroline. Ils commencèrent à manger leurs pizzas en rigolant. Voyant que je ne participais pas à la convivialité générale, Juliette me demanda :

 

« Ça va Léo ? Tu es tout pâle.

- Oui, oui, ça va, répondis-je, pas très convaincu, je repensais juste à mon grand-père.

- C'est dur pour toi je suppose.

- Oui, mais bon, ce n'est pas si grave » lui dis-je dans un souffle, en retenant mes larmes.

Remarquant mon embarras, elle me dit :

« Si je peux faire quelque chose pour toi, n'hésite pas Léo. »

Je hochai la tête en signe de remerciement, ne pouvant ouvrir la bouche, une boule nouant ma gorge.

 

Quelques minutes après, nous descendîmes dans la cour pour la fin de la récré du midi.

Comme nous n'avions pas le droit aux ballons le midi, nous commençâmes à jouer à chat. Peu avant la sonnerie, Antoine tomba et dut aller à l'infirmerie, ce qui nous fit arrêter le jeu.

A 13h15, nous rentrâmes en classe. Je ne pensais plus à mon grand-père et encore moins à ma mère. La journée aurait pu être presque parfaite si le directeur n'était pas venu chercher Tom. Pour nous "habituer" à la sixième, la maîtresse nous fit nous lever lorsque le M. Lepiquet entra.

« Levez-vous ! s'écria la maîtresse lorsque le directeur frappa à la porte.

- Asseyez-vous, les enfants. Tom, viens avec moi s'il-te-plaît" dit-il à mon copain.

Tom me jeta un regard perdu puis se leva.

Des murmures parcoururent la classe et la porte se referma derrière le directeur.

"Silence ! s'exclama Mme Dolfe. Allez, on reprend la leçon. »

 

Nous revîmes Tom juste avant la récréation, pendant moins de deux minutes, le temps qu'il vienne chercher ses affaires. Il ne dit pas un mot et repartit aussi vite qu'il était venu. Il avait les yeux rouges et on pouvait voir qu'il avait pleuré, ou, en tous cas, qu'il avait eut envie de pleurer. Pourquoi ? Personne ne le savait.

 

Pendant la récréation de 15h, au lieu de jouer au foot, les copains et moi nous retrouvâmes près du préau, sous le gros marronnier. Nous nous demandions tous pourquoi Tom était parti avant la fin de la journée.

« Vous croyez qu'il est malade ? demanda Baptiste.

- Non, je ne pense pas, répondit Caroline. Sinon, le directeur ne l'aurait pas appelé et il n'aurait pas pleuré.

- Il a pleuré ? interrogea Antoine, qui était revenu de l'infirmerie un peu plus tôt.

- On ne sait pas vraiment, lui expliquai-je. Il avait les yeux rouges quand il est revenu chercher ses affaires, mais on ne connaît pas les faits.

- Qui doit lui apporter les devoirs ? s'exclama Juliette.

- La maîtresse n'a encore désigné personne, répondis-je. Pourquoi ?

- Parce que cette personne pourra lui demander pourquoi il est parti précipitamment.

- Pourquoi n'irions-nous pas tous le voir ? proposa Antoine.

- Non ! s'écria Baptiste. C'est très impoli d'arriver tous en groupe chez lui. Imaginez la tête de sa mère quand elle ouvrira la porte ! Non, il n'y a que la personne qui lui apporte les devoirs qui doit y aller. »

 

Et la cloche sonna.

 

La dernière heure nous sembla durer une éternité et à 16h20, lorsque Mme. Dolfe nous donna les devoirs et qu'elle demanda : « Qui veut apporter les devoirs à Tom ? », tous mes copains levèrent la main en même temps que moi. Je fus finalement désigné, étant celui qui habitait le plus près de chez lui.

 

Je ne voulais pas rentrer chez moi avant de passer chez Tom, de peur de voir ma mère, en train de pleurer dans un fauteuil du salon. Malgré tout, je remontai vite à la maison, écrivis un petit message s'adressant surtout à mon père, et disant ceci :

 

"Je suis allé donner les devoirs à Tom qui est parti avant la récré de l'après-midi. Ne t'inquiète pas, je rentre au plus tard à 18h.

Bisous.

A tout à l'heure.

 

Léo"

 

Bien que mon père ne devait pas rentrer avant cette heure même, je pensais plus à lui qu'à ma mère en écrivant ce message car elle ne s'inquièterait sûrement pas de mon abscence.

Ci-fait, sans faire de bruit pour ne pas la déranger, je repartis.

 

En appuyant sur la sonnette, j'eus un petit haut-le-coeur en pensant à ce que j'allais voir.

Ce fut le père de Tom qui m'ouvrit.

« Oh ! Bonjour Léo ! Tu veux voir Tom ?

- Bonjour Monsieur, répondis-je poliment. Oui, je suis venu lui apporter les devoirs.

- C'est très gentil de ta part. Vas-y, il est dans sa chambre. Tu connais le chemin.

- Merci ! »

 

Je traversai le couloir vers la chambre de Tom. Bertille, sa petite soeur, accourut à ma vue et m'attrapa la jambe droite.

Bertille avait cinq ans. Elle me regardait de ses grands yeux bleu azur, ses cheveux blonds lui tombant en bas des épaules. Sa bouche s'étirait en un large sourire. Il était assez étrange de voir les cheveux clairs de la petite fille, comparés à la noirceur intense de ceux de son frère et de ses parents. Je ne sais pourquoi, mais Bertille m'adorait. A chaque fois que je venais chez Tom, elle me fonçait droit dessus et me serrait dans ses bras.

Après avoir dit bonjour à la fillette, je frappai à la porte de la chambre de Tom.

« C'est ouvert ! marmonna-t-il.

- Heu... Salut Tom, dis-je, en passant la tête dans l'embrasure de la porte. »

Mon copain était allongé sur son lit, une boîte de mouchoir à côté de lui et des mouchoirs sales étalés un peu partout autour de la poubelle.

« Ah ! Salut Léo ! dit-il en s'asseyant sur son lit. Entre.

- Heu... Je te dérange ? demandai-je timidement.

- Non, non, ça va, me répondit-il en reniflant un coup.

- Hum... Je venais te donner les devoirs, expliquai-je, embarrassé, mais je peux repasser à un autre moment si tu veux.

- Non, non, je t'assure que c'est bon » me rassura-t-il.

Je sortis mon agenda et mes cahiers et commençai à raconter à Tom ce qu'il avait manqué.

 

« ... et là, la maîtresse a dit que, de toutes façons, on ne verrait pas ça avant l'année prochaine.

- Oui, enfin, en gros, elle pense que le CM2 ne sert à rien, quoi.

- Non, pas vraiment. Enfin, indirectement peut-être, terminai-je. Heu... Sans vouloir être indiscret, commençai-je, avec les copains, on se demandait pourquoi tu es parti avant la récré tout à l'heure.

- Je savais que tu allais me poser cette question, se lamenta Tom.

- Je suis désolé, m'affolai-je. Si tu ne veux pas répondre, ce n'est pas grave, je comprendrais tout à fait.

- Non, non, s'écria-t-il. Je vais te le dire, parce que toi, tu m'as dit pourquoi tu n'allais pas bien. Mais ne le répète pas aux autres. Je veux leur dire moi-même.

- Promis juré ! » m'exclamai-je.

 

 

A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 15:18

Chapitre 3 : La lettre de mon père

 

Une fois assis dans le bus, je dépliai la lettre et commençai à la lire.

Je compris, par son écriture, que mon père l'avait écrite dans la précipitation.

 

Elle disait :

 

"Bonjour Léo.

Tout d'abord, j'espère que tu as bien dormi. Ensuite, j'espère aussi ne pas t'avoir traumatisé par la mort de Grand-papa. Tu sais, il avait 78 ans. Il aurait pu vivre un peu plus, mais le destin en a décidé ainsi. Ce sont des choses qui arrivent.

Surtout, ne t'inquiète pas pour ta mère, elle est profondément marquée par la mort de son père, mais ce n'est pas grave. Elle traverse juste une mauvaise passe et elle est très triste. Elle a besoin de temps pour assimiler une pareille nouvelle. Il faut être très gentil avec elle.

 

As-tu trouvé ma "Boîte à bisous" ? Je te l'ai posée sur la commode de l'entrée pour que tu puisses la trouver facilement. Tu dois te demander ce que c'est. En réalité, ce n'est rien de particulier. J'ai juste pris une petite boîte en plastique que j'ai remplie de bisous. Je me suis dit que tu en aurais besoin en ce moment. Les bisous, c'est inusable. Tu en auras toujours dans la boîte. Si tu veux, tu peux en donner quelques uns à ta mère.

 

Passe une bonne journée.

J'ai obtenu de mon patron de pouvoir rentrer vers 18h.

A tout à l'heure.

 

Mille bisous.

 

Papa"

 

Une petite larme tomba sur le papier. Je regardai la petite boîte que je tenais dans ma main droite, avec mon croissant que je n'avais toujours pas mangé. Je pliai la lettre et la rangeai dans la poche de mon pantalon.

Je mordis dans mon croissant et regardai autour de moi. Dans deux arrêts, je devais descendre. Un grand vide m'envahit de nouveau.

 

Quand j'arrivai à l'école, Tom me héla :

«Eh ! Léo !

- Tiens, salut Tom, dis-je mollement.

- Ça va ? Oula ! Non, on dirait ! s'exclama-t-il en me voyant de face.

- J'ai mal dormi, répondis-je.

- Ça se voit ! Tu es sûr que ça va ?

- Oui, oui, mentis-je.

- Bon, d'accord. »

 

Nous marchâmes côte à côte jusque dans la cour où nous retrouvâmes Baptiste et Juliette.

« Salut Tom ! cria Baptiste.

- Salut Baptiste, salut Juliette, répondit mon copain.

- Salut Léo, me dit Juliette.

- Salut !

- Ça ne va pas ? questionna-t-elle.

- Si, si, très bien, lui répondis-je. J'ai juste mal dormi.

- Et bien, tu dois avoir vraiment mal dormi alors ! plaisanta Baptiste. Parce que tu fais une tête, c'est assez impressionnant !

- Bon, ça va, vous avez gagné ! avouai-je. Je ne vais pas bien. D'accord ? Bon.

- Ah, tu vois ! Je te l'avais dis ! s'écria Tom.

- C'est bon Tom, renchérit Juliette. Ce n'est pas la peine de l'enfoncer ! Qu'est-ce-qui ne va pas Léo ?

- Ce n'est rien. Juste mon grand-père.

- Quoi ? Il est malade ? demanda Baptiste.

- Non, il est mort » répondis-je, tristement.

Il y eut un profond silence entre mes copains.

«Je... Je suis vraiment désolée Léo, murmura Juliette.

- Non, non, répondis-je avec un petit sourire triste en coin. Il ne faut pas. Ce n'est pas si grave vous savez.

- Ben, si, quand même, dit timidement Tom. Enfin, je ne sais pas trop quoi dire, mais bon, je pense que la mort d'un grand-père, c'est quand même assez important. Je suis désolé de mettre moqué de toi parce que tu faisais une tête de trois kilomètres de long.

- Ce n'est pas grave, dis-je. Tu ne pouvais pas deviner. Bon allez, vous n'allez quand même pas pleurer, c'est MON grand-père qui est mort. On ne va pas faire la tête toute la journée !

- Oui, tu as raison Léo, dit Baptiste. J'en ai une bonne : "c'est un lapin qui..." »

Et la cloche sonna.

 

 

A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 16:00

Chapitre 2 : Une horrible nouvelle

 

Quand mon père vint me dire bonsoir et que je lui demandai ce qui ce passait et pourquoi l'ambiance avait été plus sinistre que jamais aujourd'hui, il s'assit au bas de mon lit, puis, après une très longue respiration, me dit :

« Grand-papa est mort, hier soir, d'un arrêt cardiaque. »

Je mis quelques instants à comprendre ses mots, puis, je sentis une grosse boule se former au fond de ma gorge. J'eus envie de pleurer, mais je retins mes larmes. Je restai là, la bouche entrouverte, le regard dans le vague, sans pouvoir croire à ce que venait de dire mon père.

Il se leva, me fit un rapide bisou sur le front et me laissa seul, anéanti, dans l'obscurité de ma chambre.

Ne pouvant plus les contenir en moi, des larmes chaudes me coulèrent le long des joues. Mon esprit était vidé et je sentais ma tête se gonfler comme un ballon. Plus rien n'existait pour moi. Je me sentais à la fois extraordinairement léger et atrocement lourd. Tout seul, au fond de mon lit, sous ma couette, toute ma journée me semblait incroyablement loin.

« Grand-papa... Mort... Grand-papa... Mort... »

 Ces mots me tournoyaient dans la tête et je ne sais combien de temps se fut écoulé avant que je ne m'endorme.

Mon sommeil fut peuplé d'horribles cauchemars où je voyais, tantôt mon père, tantôt ma mère allongée par terre, gisant morte sur le sol. Et ainsi pour toute ma famille et les personnes auxquelles je tenais. 

Quand mon réveil sonna 7h, je sursautai dans mon lit et d'un bond, sans avoir réfléchi, je me retrouvai debout devant mon lit, les jambes tremblantes, les mains moites, le front dégoulinant de sueur. La dernière image que je venais de voir était celle de mon grand-père, allongé sur le sol.

Je m'assis pour reprendre concience de ma chambre. Je respirai profondément et me levai pour m'habiller. Une dizaine de minutes plus tard, je me dirigeai vers la cuisine.

 

Ma mère n'était pas levée et mon père était parti au travail depuis longtemps déjà.

Avant de passer la porte, je remarquai un petit papier, rapidement déchiré, posé sur la commode à chaussures, dans l'entrée. Intrigué, je le pris et reconnus immédiatement l'écriture en zigzag de mon père qui, sur une partie pliée, avait écrit "Pour Léo". J'allais le déplier pour le lire, mais je vis un petit paquet cadeau qui avait sûrement été posé avec. Je résolus (par curiosité) de l'ouvrir en premier. Il contenait un toute petite boîte ronde, avec une minuscule étiquette sur laquelle je pus lire "Boîte à bisous". Boîte à bisous ? Qu'est-ce-que c'était que ça ? C'était peut-être écrit dans la lettre. J'allais commencer à la lire, mais en levant la tête, je vis la pendule : 8h ! J'étais en retard ! J'attrapai le croissant que mon père m'avait laissé, sa lettre, la boîte, mon cartable et je courus attraper mon bus.

 

 

A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0
11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 20:20

La tristesse de ma mère

 

 

 

 

Chapitre 1 : Une très mauvaise journée

 

C'était un lundi matin vers 7h environ, je venais de me lever pour prendre mon petit-déjeuner. J'entrai dans la cuisine quand je vis ma mère avec une drôle de tête. Elle avait l'air triste. Sans me dire bonjour, elle se leva, me donna un croissant et me dit qu'elle allait travailler. Sur ce, elle quitta la cuisine sans un mot de plus.

 

A 8h, en allant à l'école, je me demandai ce qui la tracassait. Dans le bus, mon esprit se tournait et se retournait pour essayer de comprendre pourquoi ma mère avait eu ce regard si triste lorsque j'étais entré dans la cuisine. J'étais tellement plongé dans mes pensées que je faillis rater mon arrêt.

 

En classe, je ne parvins pas à me concentrer sur mon contrôle, bien que j'eus révisé pendant des heures la veille. Je pensais trop à ma mère.

A la cantine, ce midi-là, je n'arrivais pas à avaler ce que je mâchais.

Je ne jouais plus avec mes copains à la récréation. Et à plusieurs reprises, on me cria :

« Léo ! Le ballon ! Mais tu es une vrai passoire aujourd'hui ! »

Ce qui me valut d'être exclu de l'équipe de foot, avec l'accord de tous.

Quand le maîtresse, Madame Dolfe, m'interrogea sur la leçon de grammaire, et que je répondis, d'un air las, que jouer était le complément d'objet direct, toute la classe éclata de rire.

Et finalement, la maîtresse, croyant que je faisais le pitre pour amuser la galerie, m'envoya aussi sec dans le bureau de Monsieur Lepiquet, le directeur.

 

Je crus mourir de honte quand, en entendant mon histoire, il s'exclama :

« Bon, je vois que mon meilleur élève a décidé de devenir cancre ! Puisqu'il en est ainsi, tu me copieras 50 fois pour demain "Je ne dois pas faire le pitre pour amuser mes camarades pendant que ma maîtresse explique la leçon.". A faire signer par un de tes parents, ainsi que ton carnet de correspondance. »

 

Et pour terminer cette effroyable journée de classe, je repartis chez moi avec ma punition et un 3/20 à mon contrôle de géométrie.

 

Quand je suis rentré à la maison et que j'ai montré, embêté, mon 3/20 et mon carnet de correspondance à ma mère, elle leva à peine la tête de son livre et signa sans rien dire.

J'eus juste le temps d'apercevoir une larme qui perlait au coin de son oeil gauche.

Elle était assise dans un fauteuil du salon et semblait n'avoir pas bougé de toute la journée.

 

Quand mon père rentra, il devait être 19h30, elle n'avait pas préparé le repas et était toujours assise dans son fauteuil. Elle ne lui adressa pas un seul sourire, et alors que je copiais pour la quarante-neuvième fois " Je ne dois pas faire le pitre pour amuser mes camarades pendant que ma maîtresse explique la leçon.",  j'entendis mon père lui murmurer :

« Tout ira bien, ne t'en fais pas... »

Sur ce, il prit le téléphone et commanda des pizzas.

 

 

 

A suivre...

 

Fihuahua 

Partager cet article
Repost0