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20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 14:21

Chapitre 5 : Deux fois deux, quatre

 

Alors, Tom me raconta, la tête entre les mains :

 

« Quand le Directeur est venu me chercher après la cantine, commença-t-il, il m'a emmené dans son bureau en me tenant par les épaules. Il a fermé la porte et m'a dit de m'asseoir dans le fauteuil rouge près de la fenêtre, tu sais. D'habitude, quand il a un reproche ou un compliment à te faire, il te dit de rester debout devant son bureau, alors dès cet instant, j'ai compris que quelque chose n'allait pas. Il s'est assis dans son gros fauteuil noir, derrière son bureau, s'est tourné vers moi, a croisé les doigts et m'a regardé par-dessus ses lunettes rectangulaires. Son regard était perçant et il me regardait tellement profondément, dans le blanc le plus blanc de mes yeux, que j'avais l'impression de passer aux rayons X. C'était une sensation très étrange. Alors tu imagines ma tête, assis dans mon fauteuil. Je transpirais comme si j'allais passer un examen dans moins de cinq minutes. J'avais les mains moites et froides. Cet instant dura un temps qui me parut infini, et au moment où je croyais que j'allais m'évanouir de terreur, il me dit : « Ton père a appelé il y a une dizaine de minutes. » Je  crois que je n'ai pas pu réprimer un « oh » d'effroi. Lorsque M. Lepiquet nous convoque dans son bureau et nous dit qu'un de nos parents a appelé l'école, c'est toujours pour quelque chose d'horrible. Mais comme s'il ne m'avait pas entendu, il a continué : « Ton grand-père est mort, ce matin, d'un arrêt cardiaque. » Et là, je suis tombé de mon fauteuil, tellement j'étais abasourdi. Le Directeur s'est levé en vitesse pour m'aider à me relever. Là, il m'a dit quelque chose d'absolument inutile, mais qui m'a quand même aidé : « Je savais que tu allais réagir comme ça ». Et il a ajouté : « Tu peux pleurer si tu veux, ça ne me gène pas ». Alors je n'ai pas réfléchis, je me suis mis à pleurer en m'appuyant contre le fauteuil. »

 

La voix de Tom se brisa et je vis des larmes, coulant le long de ses joues, tomber sur son jean. Je l'avais laissé me raconter son histoire sans l'interrompre. Toujours debout devant la porte, je lâchai précipitamment mon cartable pour aller m'asseoir à côté de lui. Je lui mis le bras autour des épaules, sans dire un mot.

Il continua :

« Quand j'eus pleuré toutes les larmes de mon corps, reprit-il d'une voix rauque, le Directeur me dit que, si je voulais, je pouvais rentrer chez moi maintenant. Alors je suis revenu chercher mes affaires en classe. Il m'a raccompagné chez moi et lorsqu'il a sonné à la porte et que papa a ouvert, je me suis effondré dans ses bras, en pleurs. Il a remercié le Directeur et a fermé la porte. Nous nous sommes dirigés vers le salon et j'ai vu... j'ai vu... maman, assise dans le canapé, en train de pleurer. Tu ne peux pas imaginer le choc que ça a été pour moi. Moi qui m'étais attendu à être soutenu par mes parents, voir ma mère, dans un état encore pire que moi, ça m'a profondément marqué. C'est... »

 

Je sentais qu'un noeud se formait dans la gorge de Tom, un noeud qui l'étranglait et qui l'empêchait de parler d'avantage. Je voyais l'effort considérable qu'il devait faire pour se retenir de pleurer, la douleur intérieure qu'il contenait en lui. Je serrai un peu plus mon bras autour de ses épaules, ne sachant que faire pour l'aider.

Cela devait lui faire du bien de laisser déferler le flot d'émotion qui lui nouait l'estomac, car il continua de me raconter son malheur :

 

« Alors, murmura-t-il, la voix brisée, je me suis écroulé sur les genoux de maman et j'ai pleuré, pleuré, jusqu'à ne plus savoir exactement pourquoi je pleurais. Je sentais les larmes de maman me couler dans le cou et je voyais les miennes s'écraser sur mon jean. Je me disais qu'heureusement, Bertille n'étais pas là pour voir ça. Tu comprends, elle est trop petite, trop fragile, ça aurait été un choc trop grand pour elle. D'abord la mort de grand-père, et ensuite, voir maman pleurer, ça aurait été trop difficile pour elle. Au bout d'un moment, papa est allé la chercher à l'école et nous nous sommes dit qu'il vaudrait mieux arrêter de pleurer. Alors, je me suis enfermé dans ma chambre et je me suis allongé sur mon lit, l'esprit vide mais la tête pleine de choses incohérentes. Je ne pensais à rien et pourtant, tout un tas de choses tourbillonnait dans ma tête. Plusieurs fois, des larmes perdues coulèrent le long de mes joues. Et quand je commençais enfin à comprendre ce qui se passait, tu es arrivé. »

 

Cette fois, Tom éclata en pleurs.

Entre deux sanglots, il me dit :

« Je suis désolé.

- Ce n'est pas grave, lui répondis-je. Je comprends très bien, tu sais, je vis la même situation et je sais que c'est très dur. Peut-être que si on se serre les coudes, on arrivera mieux à la supporter.

- Merci Léo, hoqueta-t-il, tu es un véritable ami. Et euh... C'est très gentil de m'avoir apporté les devoirs ! »

Je lui dis que c'était tout à fait normal et terminai de lui expliquer ce qui s'était passé en classe aujourd'hui.

 

Alors que nous allions repartir dans une nouvelle conversation, mon regard se posa sur la pendule : 17h45 ! Je devais être rentré dans un quart d'heure et j'étais toujours en train de discuter avec mon copain ! Je dis à Tom qu'il fallait absolument que je rentre chez moi et après lui avoir dit à demain, je courus le plus vite possible à la maison.

 

Sur le chemin, je repensai au récit de Tom. Sa situation ressemblait trait pour trait à la mienne : son grand-père maternel meurt d'un arrêt cardiaque et sa mère déprime. Deux fois la même histoire. Deux fois deux personnes de même place dans deux familles différentes. Deux fois deux problèmes identiques.

 


A suivre...

 

Fihuahua 

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